Le site

Qus, cité du 5e nome de Haute Égypte

Située dans le sud de l’Égypte, à 25 km au nord de Louqsor, Qus est une ville au patrimoine historique unique. Elle est réputée pour posséder l’une des plus anciennes mosquées du pays, la Mosquée el-Amri fondée au Xe siècle. Les vestiges d’un baptistère d’époque byzantine témoignent d’une présence chrétienne significative avant l’ère musulmane. Véritable capitale de la Haute Égypte d’Abydos à Assouan au XIe siècle, elle doit son développement exceptionnel à sa localisation avantageuse, au carrefour de la route des épices entre l’Inde et l’Europe et sur le chemin des pèlerins de toute l’Afrique du nord. Grâce à la déviation du Nil formant un coude, la distance entre la vallée et la mer Rouge est en ce point la plus réduite de toute la côte maritime. La dépression naturelle du Ouadi Hammamat, depuis longtemps aménagé de puits et de voies de circulation, facilitait la traversée du désert montagneux.

Haute-Égypte © Mission Qus

Qus hérita des temps anciens sa prospérité et les avantages de sa localisation. Son nom actuel est issu du toponyme antique Gesy. Pendant l’Antiquité, la région jouissait d’une d’activité économique florissante. Le Ouadi Hammamat a longtemps été exploité pour ses ressources aurifères et ses carrières de pierres dures telles le quartz, le granit et la grauwacke. Le Ouadi était également emprunté par les expéditions commerciales vers le pays de Pount chargées de ramener notamment les précieux arbres à encens. La richesse de la région s’est constituée dès l’époque prédynastique grâce à l’exploitation des mines d’or du désert oriental. Bien que Coptos/Quft était la capitale du 5e nome de Haute Égypte à l’époque pharaonique, Qus fût sans doute la seconde ville de la province.

Dieux et mythes locaux

De l’ancienne ville pharaonique, on n’observe plus aujourd’hui que les vestiges du temple du dieu local Haroéris (Horus le Grand). Frère d’Osiris et Isis, Haroéris fait partie des figures majeures du panthéon égyptien.

Relief du temple de Philae montrant Haroéris et sa mère la déesse-grenouille Héqet. D’après I. Rosellini, I monumenti dell’Egitto e della Nubia III, Pise, 1844, rééd. Genève, 1977, pl. 22.

Il a donné son nom à la ville à l’époque grecque que l’on nommait Apollinopolis Micra. Le dieu est vénéré à Qus car la ville est considérée comme son lieu de naissance. Les vestiges visibles de son temple datent de l’époque ptolémaïque (IVe-Ier s. av. J.-C.) mais d’autres sources attestent le culte du dieu dès 1500 av. J.-C. Ces dernières ont également révélé l’existence de neuf divinités différentes vénérées à Qus : Haroéris, Héqet, Khonsou, Osiris, Isis, Nephthys, Chou, Tefnout, Sobek. Les textes hiéroglyphiques témoignent de l’importance des rites osiriens en faisant référence à des toponymes et des désignations divines spécifiques encore inconnus. Une scène exceptionnelle ornant la porte occidentale de Qus montre le rituel de « l’intronisation du faucon sacré », incarnation d’Haroéris sur terre. Ce type de scène est rare et seulement connu jusqu’à présent dans les temples d’Edfou et de Philae. D’après les inscriptions, ce rituel prend part aux cérémonies annuelles du culte osirien à Qus. Il indique également qu’il existait un élevage de faucons sacrés associé au temple d’Haroéris.

Le temple d’Haroéris à Qus s’inscrit également dans une problématique plus large. Consacré à la naissance du dieu, il est en cela analogue à deux autres temples d’époque gréco-romaine situés à Karnak et à Dendara, respectivement dédié à la naissance d’Osiris et d’Isis. Ces trois temples appartiennent à un groupe formé de cinq sanctuaires situés dans cinq villes majeures de Haute Égypte : Thèbes (Osiris), Qus (Haroéris), Ombos (Seth), Dendara (Isis) et Hou (Nephthys). Ces temples marquent le lieu de naissance de chacun des cinq enfants issus de l’union du dieu de la terre Geb et de la déesse du ciel Nout d’après la mythologie égyptienne. Leur localisation originale dans le coude formé par le Nil entre Thèbes et Hou laisse penser que ces lieux de naissance ont été conçus comme un ensemble cohérent à l’image des « jours épagomènes », dates de naissance des cinq dieux. Au regard de la fonction rituelle et mythologique des « jours épagomènes », il est possible de proposer une hypothèse expliquant l’emplacement de ces cinq lieux de naissance. Les recherches futures sur les sites de Qus – Ombos et Hou, restés encore inexplorés – apporteront sans aucun doute de nouveaux éléments de réflexion à cette question de géographie religieuse.

Les vestiges pharaoniques

Du temple d’Haroéris, seules deux portes monumentales dont la partie supérieure a disparu sont visibles en surface. Les voyageurs et premiers égyptologues du XVIIIe et du XIXe siècle n’ont signalé qu’une seule porte qui était conservée jusqu’à son sommet.

Vue de la porte de Qous à la fin du XVIIIe siècle, d’après V. Denon, Voyage dans la Basse et Haute-Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte, 1802, rééd. Le Caire, 1989, pl. 80 (3).

Les deux portes sont alignées sur un axe commun et distantes d’environ 50 m. La porte occidentale est la plus grande (10 x 9 m) et est enterrée au deux tiers de sa hauteur. Située au milieu d’une ruelle entourée d’habitations modernes, elle est exposée à diverses dégradations liées à l’activité humaine à proximité. La porte orientale, plus petite (8 x 7 m) et moins bien conservée, est protégée par une enceinte.

Plan du site archéologique de Qus © Mission Qus
Porte occidentale © Mission Qus
Porte orientale © Mission Qus

Leurs parois sont décorées de tableaux mettant en scène le roi et les dieux locaux. La porte orientale montre le roi Ptolémée VIII Évergète II (145-116 avant J.-C.). Les scènes de la porte occidentale sont au nom de Ptolémée X Alexandre Ier (107-88 avant J.-C.), excepté un tableau au nom de l’empereur Claude (41-54). Les inscriptions hiéroglyphiques des deux registres de scènes préservés n’ont fait l’objet que d’un seul relevé réalisé en 1898 par Ahmed Bey Kamal, au moment où il procéda au dégagement d’une partie des structures.

Situé à 20 m au sud de la porte orientale, une aire d’environ 2000 m2 protégée par une enceinte contient les vestiges en briques d’un baptistère et d’habitats datés de l’époque byzantine. Plusieurs remplois de blocs pharaoniques sont visibles. La Mosquée el-Amri, située à 50 m des portes, possède également des remplois de chapiteaux et de colonnes romaines.